« On a pas rêvé de venir en France » - Interview au Chemin des Cailloux – Dijoncter.info - Site d'infos en lutte sur Dijon


C'est la France qui a créé les problèmes chez nous, qui a soutenu les dictateurs, et c'est pour ça que nous on est venu en Europe, sinon on serait jamais venu. » Interview réalisée en septembre 2019



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« On a pas rêvé de venir en France » - Interview au Chemin des Cailloux Publié le 16/09/2024 | Première publication le 26/09/2019 | Mise à jour le 24/09/2024 « C’est la France qui a créé les problèmes chez nous, qui a soutenu les dictateurs, et c’est pour ça que nous on est venu en Europe, sinon on serait jamais venu. » Interview réalisée en septembre 2019. La discussion se passe le 24 septembre 2019. À l’époque, 80 personnes exilées venaient de se faire expulser de la CPAM , un bâtiment occupé entre le 7 octobre 2018 et le 9 septembre 2019. Nous sommes deux à être allé·es au Chemin des Cailloux, parce qu’on avait envie de faire un article où la parole des personnes exilées serait directement lisible. Nous sommes dans une tente bleue, assez grande, sous laquelle on a rencontré une dizaine de personnes. Il pleut beaucoup et il y a du vent. Il y a une personne qui traduit ce que les uns et les autres nous disent, et nous la remercions très fortement d’avoir fait ce travail. À la fin, Adam nous demande de retranscrire le plus fidèlement possible ce qu’ils ont dit, et de garder aussi les mots qu’on ne comprend pas, et ceux qu’on trouve trop violent. C’est ce que nous avons donc fait. Peut-être que vous pouvez commencer à nous expliquer comment s’est passée l’expulsion de la CPAM ? Quelqu’un traduit ce que dit Abakar. On sait pas. Les policiers ils sont arrivés et ils nous ont expulsés. On sait pas comment ils sont venus, on sait pas comment ils sont rentrés mais ils sont venus expulser. Comme vous voyez, ils nous ont expulsés et nous on est dehors. Et comme vous voyez on est dans des tentes, les associations cherchent à aider, il y a de l’eau partout, on sait pas coment faire à manger, on sait pas comment dormir, et la mairie nous laisse là. Dans la rue. On est même pas dans la ville, on est hors de Dijon, et on galère ici. Y’a des gens qui ont pas la procédure, et on est là comme ça, y’a des gens qui ne savent pas comment faire les papiers, y’a des femmes, y’a des enfants, y’a des mineurs aussi ici. Pourquoi vous avez pas le droit à un logement ? La préfecture ne veut pas. Y’a des gens qui n’ont pas leurs droits, l’État il donne pas, il donne pas à loger, il donne pas d’argent, c’est pour ça qu’on est là. 50 % des gens ils touchent rien. Y’a des gens qui sont là, ils n’ont même pas le droit d’asile, ils sont là depuis 6 ans et la France ne leur donne pas de droit. Toi ça fait combien d’année ? Il est venu en Europe en 2015, mais en France ça fait 3 ans. Et comme vous voyez y’a des gens qui sont là depuis 4, 5, 6 ans et qui n’ont toujours pas de droit. Y’a des gens qui se sont fait rejetter leur demande, qui ont demandé des réexamens, et pour ceux qui n’ont pas de droit, ils n’ont même pas le droit de loger. Dans l’expulsion de la CPAM , y’a 11 personnes qui se sont faites arrêter. Et y’a des gens qui sont encore dans la prison maintenant [ 1 ] . Et ici comment ça se passe, avec tout le monde ? Entre vous ça se passe bien ? On a une bonne entente entre nous. Ici c’est pas notre pays, dans notre pays si tu es refugié, tu galères pas comme ça. Tu vas pas vivre dans des tentes, dans la rue. Nous on s’entend bien entre nous, chacun a ses problèmes. Ici, si tu demandes l’autorisation de t’éduquer, tu n’as pas le droit, si tu veux te loger c’est pas possible, si tu veux un travail c’est pas possible non plus. Tu dis que chez vous c’est pas comme ça, quand y’a des réfugiés ? Nous dans notre pays, au Tchad, il y a des soudanais, des centre-africains, des camerounais, des nigériens, qui sont venus chez nous, mais c’est la compétence de l’État. C’est pas à nous de le faire, c’est l’État qui le fait. Il loge les gens. Ça se passe pas comme ici. Est-ce que avant de venir ici vous saviez que ça allait se passer comme ça ? Non, pas du tout. Parce qu’elle promet des belles choses de loin, la France ? Non. Jamais on rêvait de ça. Lui, il a même pas rêvé d’aller dans un autre pays, même en Europe ou dans le monde. Lui il a eu des problèmes chez lui là-bas, c’est pour ça qu’il est immigré, il rêve pas d’aller dans le monde, en Europe, il rêve pas ça. On s’adresse aux autres personnes présentes : Et vous, vous avez envie de dire d’autres choses ? Lui, Adam, il a une question. Il demande dans quelle association vous êtes ? Nous on va faire un article pour Dijoncter, un site qui relaie les luttes qui se passent dans la ville. C’est pas une association, c’est plein de gens différents. Y’a eu des articles sur l’expulsion, y’a eu les photos de quand vous êtes allés à la piscine, etc. LIRE AUSSI : Fil info de l’expulsion de la CPAM Nous on veut que les personnes qui luttent puissent écrire sur internet et que les gens lisent et puissent ensuite vous soutenir. On est pas d’accord avec les médias, comment ils racontent les choses, donc on a notre propre média. Adam dit que nous on rêve pas de rester dans la France, la France elle donne pas de papiers aux réfugiés, mais elle a pris nos empreintes, et on est bloqué ici. Nous on voulait partir en Angleterre, ou quoi, ils aident les immigrants. Si on part là-bas, ils vont dire « vous avez Dublin [ 2 ] », et ils vont nous ramener ici, en France, et ils nous emmerdent comme ça. C’est pour ça qu’on est là, nous on voulait pas être en Fance, même une journée. Nous on rêve pas de rester en France. C’est tous les migrants qui pensent ça, pas seulement lui, même moi personnellement je voulais pas être ici, dans les tentes, on galère ici. Chez nous là-bas on vit pas comme ça. Si un français vient chez nous, il vit pas comme ça dans les tentes. Il a dit que nous on voulait pas venir en France pour rester. On est pas parti en Angleterre mais on a des amis qui sont allés là-bas, ils nous racontent que la vie c’est pas comme ça là-bas. Ici en France si tu es monté dans un bus, si à côté de toi y’a une femme, elle veut pas rester à côté de toi : ils nous traitent comme de la traite négrière. Si tu es parti dans le train, ils veulent pas rester à côté de toi, ils vont te dire « sale noir », ils veulent pas rester à côté de toi. En Angleterre c’est pas comme ça. Nous on a pas rêvé de venir en France, c’est parce que dans notre pays y’a des problèmes, qu’elle a créé, la France. C’est la France qui a créé les problèmes, qui a soutenu les dictateurs, et c’est pour ça que nous on est venu en Europe, sinon on serait jamais venu. Il a dit que y’a des gens qui sont partis en Angleterre, en Amérique, au Canada, et ils ont eu directement des autorisations de travailler, et ils ont été logés et nourris facilement. La France elle nous bloque comme ça ici. Ils nous donnent pas les papiers. Ils ont pris les empreintes et ils nous emmerdent comme ça. Si ils nous donnent pas les papiers, pourquoi ils ont pris les empreintes ? Pourquoi ils nous laissent pas partir ? Comme l’Italie fait. Même l’Italie ils vont te dire que non, si tu veux tu peux aller, t’es pas forcément en Italie. En France, si tu fais pas les empreintes, la police va t’emmerder directement, si t’as pas de récépissé ou quoi. C’est pour ça que nous on perd. La France elle veut pas nous donner de papier, alors pourquoi elle veut nos empreintes ? Pourquoi ils nous emmènent dans le truc Dublin pour nous bloquer ici ? Si lui il veut partir en Angleterre, s’il part là-bas ils vont le ramener ici directement. Vous vous êtes en procédure Dublin ? Oui, ils ont pris les empreintes ici. La France t’oblige. Et si tu pars, la France va te ramener ici. À l’aéroport, si tu veux partir, la France va te dire « dégage, t’as pas le droit de partir ». Et alors pourquoi elle nous prend les empreintes ? Il donne l’exemple à vous : si vous, vous êtes partis dans un pays, qui te donnait pas à loger ; ni loger ni nourri, ni les papiers, est-ce que tu vas accepter ? Est-ce que un français il va accepter ça ? Et pourquoi ils nous traitent comme ça ? Pourquoi ils nous traitent comme des... comme de la traite négrière. Ni loger, ni nourris, ni papiers. C’est un nouveau système de colonisation, de la traite négrière, d’une autre façon. Ils ont mis dans la tête des jeunes africains que tu vas aller en Europe pour vivre là-bas. Ils ont créé des problèmes là-bas et quand tu viens ici ils vont te laisser dans la rue comme ça, ils vont te laisser dans les tentes, ils donnent pas de papiers. Et pourquoi ils font ça ? Ils ont qu’à laisser les gens tranquilles là-bas. C’est une nouvelle façon de faire de la traite négrière. Nous on cherche de partir, y’a des gens qui étaient ici avec nous et qui sont en Angleterre. Et qui ont eu des papiers, et qui travaillent, et qui sont même revenus en France pour visiter les gens, et nous on était dans des tentes comme ça, dans la rue. Aujourd’hui dans la rue, demain dans le squat, après-demain dans la rue, et c’est tout le temps comme ça. Ils ont même pas attendu un an, en 5 mois, 6 mois, ils ont eu des papiers et ils reviennent, ils ont le droit de voyager, ils ont leur passeport. Tu as le droit de travailler, direct, là-bas, il n’y a pas une autorisation de travailler comme ici. Ici en France, vous dites « Liberté, égalité, fraternité », mais ça se passe pas avec les re-noi, ça se passe que avec les français. Si tu dis que tu as le droit, que tu veux parler, comme ça dans la rue, la police ils vont te chicoter. Et après si ils voient que y’a pas de caméra, ils vont te chicoter. Y’a un ami à Paris, dans la rue, ils l’ont chicoté, et peut-être que vous avez vu les vidéos ? Elles étaient sur les réseaux. À Chenôve aussi ils ont fait ça. Le jour de l’expulsion ? Oui, ils ont arrêté mais ils ont aussi frappé des gens, dans le squat. Y’a pas de caméras, y’a des gens qui se sont fait frapper. Ils ont frappé des gens qui les empêchaient de rentrer. Si c’était des français ils feraient pas ça. Nous les jeunes, on essaie d’améliorer notre problème à nous, on sait pas comment dormir au chaud, on va essayer d’aller dans notre pays, si y’a pas de problème dans notre pays nous on veut pas rester ici. On veut pas rester en France, dans les tentes, il pleut... Nous on va laisser la France. C’est pas la secheresse qui nous a amené ici. Nous on avait un problème dans notre pays, c’est pour cela qu’on est venu ici. Mais y’a des gens qui sont des bledards, qui sont en brousse, qui ont des élevages avec des milliers de bête. Ils ont tout laisser pour venir ici, seulement à cause des problèmes politiques. On galère pas là-bas, chez nous. Nous on est bloqués ici, mais les autres africains ils savent ça. Ils vont pas venir en France. À l’époque on disait « un africain, le ventre p...