« On est toujours là » - A l'ouest - Site coopératif d'informations locales et d'ailleurs, sur Rouen et alentours


Quelques notes sur les Gilets Jaunes, la crise du coronavirus et sa gestion gouvernementale, à partir de textes et d'images mis en circulation par des Gilets Jaunes de la région de Lille pendant le confinement



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Analyses Gilets jaunes Covid-19 Publié le 1er juin 2020 | Mise à jour le 2 juin 2020 « On est toujours là » Dans « l’assignation à résidence », qui contient les corps plus que les esprits, les énoncés ont continué à circuler par des post sur les réseaux sociaux des Gilets Jaunes, sur un mode adapté à la séquence de la crise du coronavirus mais qui ne rompait pas, dans le fond comme dans la forme, avec ce que portaient, textes et illustrations, leurs pancartes dans les manifestations, ainsi que le dos de leurs gilets. Sommaire Sous la surface de l’obéissance (sérieuse) au « confinement », le contraire d’une soumission Mi-mars, au début du « confinement » Fin mars Avril Début mai Et à l’approche du « déconfinement », on commence à entendre les premiers appels de Gilets jaunes à sortir, cet été ... « Tous dehors, mais protégés, ... masques, distance ». Sous la surface de l’obéissance (sérieuse) au « confinement », le contraire d’une soumission Le « confinement » a été une exorbitante épreuve collective, et une suspension inouïe des libertés publiques fondamentales, comme la liberté d’aller et de venir, la liberté de se réunir et la liberté de manifester. Ce fut une méthode de gouvernement contre l’épidémie : une méthode pour maîtriser l’emballement de la contagion épidémique, fondée sur le seul principe de non-saturation des services hospitaliers de réanimation, et donc une méthode par défaut si on la compare aux méthodes, pratiquées dans d’autres pays (en Asie, dans des pays voisins de la Chine ; comme en Europe, l’Allemagne ; et aux marges de l’Europe, l’Islande aussi), qui ont combiné la protection des personnes dans l’espace public (« gestes barrières » et masques) avec le test massif des personnes et l’isolement provisoire des personnes contaminées incluant le soin donné à ces personnes malades avant qu’elles n’atteignent la situation extrême de la détresse respiratoire. Fondée sur une loi d’exception dite d’urgence sanitaire, cette méthode d’un confinement des citoyens mis, sous contrôle de la police (« Restez chez vous ! » [ 1 ] ), au régime de la sortie journalière au maximum d’une heure et dans la limite d’un kilomètre de chez soi, a eu pour bénéfice politique majeur pour l’Etat de supprimer toute expression physique et collective des manifestations de rejet de sa politique, qu’il s’agisse de la mobilisation, complètement nouvelle, des Gilets jaunes, ou de celle des mois décembre, janvier et février contre la réforme des systèmes de retraite, qui fut elle-même fortement marquée par l’empreinte, dans le pays, de plus d’un an d’affirmation publique des Gilets jaunes. Les Gilets jaunes ont donc tenu leur Acte 70 (leur dernière sortie à ce jour) le samedi 14 mars, juste avant l’annonce de la fermeture par le 1 er ministre des bars, restaurants, discothèques et cinémas : pour ceux de Lille, ce fut une sortie improvisée au rond-point du MIN (le rond-point où ils firent leurs débuts le 17 novembre 2018), leur manifestation de ce samedi étant interdite, alors que l’élection municipale du lendemain était maintenue. La décision d’interdiction de l’une (manifestation des Gilets jaunes) et d’autorisation des autres (élections pour choisir des représentants de partis dans une institution de gouvernement, fût- ce locale), est lourde de signification sur le rapport de l’Etat à la santé des gens, quand il s’agit d’assurer sa perpétuation comme organe de pouvoir. La manière dont les Gilets jaunes de la métropole de Lille traversent la période de crise du coronavirus et sa gestion gouvernementale contribue à montrer qu’il y a, derrière l’obéissance au « confinement », le contraire d’une soumission. A montrer qu’il y a autre chose qu’une victoire totale de « l’état d’exception », comme la voient certains théoriciens (par exemple le philosophe italien Giorgio Agamben), qui s’intéressent plus à la figure de l’Etat, de son pouvoir, de son « pouvoir d’exception », qu’aux modes propres de résistance et d’organisation que développent les gens, à leur capacité propre. C’est manifeste dans la multiplicité des actions de solidarité qui se sont développées entre les gens eux-mêmes : dès le début du « confinement », cuisine de repas gratuits (préparés par des restaurateurs comme des non-restaurateurs et portés aux soignants des hôpitaux, mais aussi cuisinés par des gens et délivrés par de jeunes cyclistes aux SDF dans la rue), distribution de nourriture aux étudiants (dont des étudiants en demande de droit d’asile) en situation de précarité dans les 9 mètres carrés de résidences universitaires vétustes, masques artisanaux confectionnés pour être donnés aux hôpitaux comme aux gens eux-mêmes ... actions bénévoles où se sont mêlés les statuts sociaux et les générations. Le gouvernement aimerait croire que c’est une solidarité des gens avec l’Etat, alors qu’il s’agit d’une solidarité entre les gens eux-mêmes, une solidarité des gens avec les gens, soignants comme non-soignants. C’est manifeste aussi dans ces énoncés que les Gilets jaunes ont continué à faire circuler, au fil du confinement, sur leurs réseaux sociaux, auxquels on peut porter la même qualité d’attention que celle portée à ce qu’ils écrivaient sur leurs gilets ou sur leurs pancartes quand ils manifestaient dans la rue, du 17 novembre 2018 au 14 mars 2020. Les notes qui suivent visent à réinscrire dans la chronologie du « confinement », de la mi-mars à début mai, ce « travail interne » par lequel les Gilets jaunes n’ont pas abdiqué devant « l’assignation à résidence ». Elles puisent leur origine dans une observation d’une partie de ces « libelles », auxquels j’ai eu accès dans le cadre d’une correspondance quotidienne tenue, depuis le début du « confinement », avec une dame Gilet jaune de l’agglomération lilloise, « historique des ronds- points du 17 novembre » et toujours engagée, dix-huit mois plus tard, dans cette mobilisation. Toutes les citations entre guillemets proviennent de ces post. Mi-mars, au début du « confinement » Les Gilets jaunes prennent l’épidémie et la maladie au sérieux dès le début, et sont très rigoureux dans l’application des décisions gouvernementales de « confinement ». Certain(e)s tombent malades du Covid-19, et y résistent. Plusieurs figures connues et respectées des Gilets Jaunes de l’agglomération lilloise sont dans ce cas. L’un d’eux, des Gilets Jaunes de Tourcoing, publicise sa contamination, au tout début du « confinement », sur le mode de la mise en garde de tous en postant sur son groupe Facebook le message suivant : « Je voudrais vous donner quelques informations au sujet du virus, si vous avez de gros problèmes respiratoires, sueurs froides et frissons, ainsi que 39°5, (...) surtout ne pas prendre ce truc à la rigolade. Faites tous très attention. » A quoi un autre Gilet Jaune lui répond, s’inscrivant d’emblée, en cette mi-mars, ce qui n’est alors pas encore le cas de tout le monde, dans l’idée d’une crise longue : « Je reste au maximum chez moi, et au niveau des GJ je veux d’ailleurs que tous pensent comme cela. Tous en bloc contre ce (... de) virus ! Je reviendrai en septembre ». Fin mars Forts de la conscience que, très tôt, ils ont puissamment alerté sur l’abandon dans lequel l’Etat plaçait les gens sur les plans essentiels à la dignité de la vie de chacun (et surtout l’abandon des plus fragiles), les Gilets jaunes publient et échangent des messages dont la tonalité générale est : « On est toujours là » . Cette affirmation est portée, par elles et eux, de manière d’autant plus assurée et sensible qu’elles et qu’ils (surtout elles) sont souvent ancrés dans une pratique professionnelle appartenant au monde des services de soins (hôpital, Ehpad, services de soins à domicile, services sociaux et médico-sociaux) ou qu’elles et qu’ils ont, quand ce n’est pas leur métier, une proximité familiale très forte avec ce monde, du fait qu’y sont engagés, dans le travail, leurs propres enfants. Avec la prescription « Commençons à l’écrire sur les balcons ! » une photo de pancarte de manifestation circule qui dit : « Nous ne reviendrons pas à la normalité, car la normalité, c’était le problème » . Ou encore : « Le banquet installé depuis une quarantaine d’années va bientôt se terminer » . Une autre, sur fond de manifestation de Gilets jaunes, prévient : « Macron, prépare-toi, la jaunisse va revenir. On est toujours là ! » . En même temps qu’apparaissent les hashtag « #onnoublierapas » et « #ilssavaient », s’installe cette idée que « le temps de rendre des comptes viendra » . Une image, relayée par le groupe « La France d’en bas. Gilets jaunes de Tourcoing » , indique sur fond d’image de guillotine dressée sur une place de Paris pendant la Révolution française : « Après le confinement, place à la Justice ! » . Nourris de l’idée qu’il n’y aura « ni oubli ni pardon » de l’action du gouvernement antérieure à la pandémie, et passant au crible sa gestion présente de la crise, les énoncés qui circulent en cette fin mars, tous marqués par le refus du mensonge, portent essentiellement sur : la faute du gouvernement, présentée comme symptôme de sa légèreté et de son retard face au risque épidémique en France , quand, tout occupé en janvier et février à imposer sa réforme des retraites, il « décide, le 29 février, lendemain de la publication du rapport crucial de l’ OMS sur la situation en Chine, détourner un conseil des ministres exceptionnel dédié au Covid- 19 pour annoncer l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution afin d’adopter sans vote la réforme des retraites » (publication d’un Gilet jaune de Tourcoing), la politique gouvernementale de réduction des sites et du nombre de lits à l’hôpital par les gouvernements Sarkozy ( « La loi Bachelot a fait de l’hôpital une entreprise » ), Hollande ( « il a fermé 95 sites de santé et supprimé 17500 lits » ) et Macron ( « en 3 ans, il a supprimé 4172 lits des services de santé publique » ) ; la répression, y compris par gaz lacrymogènes, du mouvement des personnels soignants dans ses manifestations depuis février 2019 ; et l’hypocrisie de Macron, de ses ministres et de ses parlementaires à les remercier dans ses discours d’aujourd’hui, l’absence des masques, des gels hydroalco...