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Retour sur la mobilisation contre la loi asile-immigration et sur les stratégies de l'Assemblée Générale Antifasciste de Rennes



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Crazy Week à Rennes ! Publié le 29/02/2024 | Mise à jour le 05/03/2024 Retour sur la mobilisation contre la loi asile-immigration et sur les stratégies de l’Assemblée Générale Antifasciste de Rennes. Contexte général : "Mobilisation contre la loi Asile-immigration" La loi immigration apparaît non seulement comme une loi raciste, mais aussi comme une loi d’exploitation. Celle-ci s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de mise au travail généralisée de la population, en mettant notamment la pression sur ses franges les plus précaires. Après le rejet de la 1 re version de la loi par l’Assemblée Nationale, le texte a intégré de nombreuses idées de l’extrême-droite (remise en cause du droit du sol, déchéance de nationalité, conditionnement des prestations sociales, etc). C’est ce sur quoi la gauche institutionnelle et syndicale a concentré son opposition : sur une base principalement morale, en choisissant comme moyen les manifestations du dimanche (parfois même du matin !), empêchant toute construction d’un rapport de force. Nous nous opposons à l’ensemble de la loi immigration et ne nous satisfaisons pas de la censure partielle du Conseil constitutionnel. Nous nous opposons aussi à la gauche "de posture" qui n’a jamais réellement essayé d’empêcher la promulgation de cette loi, voyant le combat déjà perdu d’avance. Cette même gauche qui, lorsqu’elle était au pouvoir, a "géré" de manière faussement humaniste les sans-papiers, pour le résultat que nous voyons aujourd’hui... Toutefois, on peut noter, depuis plus d’un an, la mobilisation contre la loi asile et immigration d’organisations et de collectifs qui, pour certains, se sont regroupés au sein du réseau de La Marche des Solidarités. C’est pourquoi nous, l’Assemblée Générale Antifasciste de Rennes, avons développé notre propre stratégie pour mettre à la fois la pression sur ceux qui ont fait cette loi, et sur ceux qui devront l’appliquer. D’autant plus que, malgré la censure du Conseil, de nombreuses dispositions racistes et d’exploitation sont restées (sur l’aide sociale à l’enfance ASE , le juge unique, les "métiers en tension", la facilitation des OQTF etc). Cette loi est un moyen pour l’Etat de durcir la répression des émeutes qui ont suivi le meurtre de Nahel : le législateur prévoit de nouveaux motifs de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait, des cartes de séjour, dont les infractions commises contre des élus ou des agents publics ou "la menace grave pour l’ordre public". Il est, aussi, "imposé aux ressortissants étrangers la souscription d’un contrat prévoyant l’engagement de respecter [les principes de la République]". Ce qui est à mettre en relief avec le récent triptyque d’Attal "tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter". Par cette loi et d’autres mesures (annonce de l’uniforme à l’école, du SNU obligatoire en 2026 et des "travaux d’intérêt éducatifs" pour les mineurs de moins de 16 ans) ce sont en grande partie les mineur.es ou les jeunes majeur.es habitants des "quartiers" ou "issue de l’immigration" - qui se sont révolté.es cet été - que l’Etat continue de réprimer. Pour rappel, pendant les quatre jours d’émeutes, la police a tué deux personnes et mutilé des dizaines d’autres. Ensuite, la justice a fonctionné à plein régime : il y a eu un nombre inédit de comparutions immédiates et de placements en détentions (Au 1 er août, « 2 107 personnes ont été jugées, 1 989 ont été condamnées et 1 787 ont été condamnées à une peine d’emprisonnement »). Sur un temps plus long, les enquêtes policières continuent et des personnes sont encore aujourd’hui perquisitionnées et/ou jugées. Des dispositions sont d’ailleurs prises en ce moment-même, pour que le système judiciaire soit capable de fonctionner sur ce rythme infernal pendant les JO (cf l’article "200 gardes à vue attendues chaque jour : comment le tribunal de Bobigny se prépare pour les JO "). Déroulé de la semaine : "Crasyweek pour l’ AG Antifa" Neuf jours avant la décision du Conseil d’Etat (le mardi 16/01), nous faisions le constat en AG de l’absence de mobilisation contre la loi (excepté les manifs du dimanche et des blocages lycéens peu soutenus) et votions une manifestation antifasciste pour le samedi 20 (précédant celle du dimanche) et une autre pour le jeudi suivant, jour de la décision. Cela afin d’imposer notre propre agenda, nos pratiques et un réel rapport de force. La manifestation du samedi s’est bien déroulée, avec entre autres : les soldes d’un centre commercial perturbés deux fois, la mairie redécorée et un tractage pour annoncer la prochaine AG . Le dimanche, nous avons décidé de prendre la tête de la manifestation intersyndicale avec nos banderoles pour montrer l’existence d’une riposte antifasciste aux actions du gouvernement, et permettre la diversité des pratiques. Cette manifestation a aussi été l’occasion de déplier deux grands draps pour appeler à venir à la manifestation du jeudi soir et appeler à rejoindre l’ AG antifasciste et l’ AG de Rennes 2. Le lundi suivant (3 jours avant la décision), l’ AG de Rennes 2 s’est réunie et a voté le blocage de la fac pour le lendemain, afin de se joindre à la mobilisation des lycéens, de lancer un mouvement étudiant et surtout de dynamiser le mouvement contre la loi asile et immigration. La préparation du blocage s’est effectuée dans la journée (écriture d’un tract, planification matérielle du blocage etc). Le blocage de Rennes 2 a réuni de nombreuses personnes et a permis la mobilisation des étudiants sur la fac pendant toute la semaine. Des tracts ont été distribués à la sortie du métro et sur les points de blocages pour expliquer l’intérêt du blocage et appeler à l’ AG du jour même, qui a été très rejointe. Cette AG a été suivie d’actions spontanées : une action anti-contrôleurs et un envahissement de la mairie de Rennes. Bloquer la fac le mardi matin nous a permis de mobiliser un grand nombre de camarades, sur le campus, à l’ AG et dans la ville, et de consacrer notre temps aux préparatifs des différents moments de mobilisation de la semaine, avec la manifestation du jeudi soir en ligne de mire. Le mercredi des liens ont été créés avec l’ AG interlycées (ex : formation juridique faite à la suite de l’ AG ) tandis que la préparation des différentes actions du jeudi continuait (écriture d’un tract, réalisation de deux banderoles pour l’envahissement de la CAF ). Le jeudi (jour de la décision), les actions se sont multipliées et ont démarré très tôt le matin avec les blocages du lycée Bréquigny et de l’ IEP . S’en est suivi une perturbation festive à la CAF à l’initiative de l’ AG Rennes 2, afin de signaler aux administrations que nous ne les laisseront pas appliquer cette loi tranquillement. Suite à l’envahissement un cortège s’est dirigé en fin de matinée vers la manifestation des agriculteurs, et enfin, la manifestation antifasciste contre la loi « asile-immigration » le soir. Nous nous sommes retrouvé.es à environ 800, joyeux.ses et déter, à partir en manif. Les manifestant.es ont été très inventif.ves et ont réalisé de nombreuses « redécorations » : Celle du Tribunal administratif (qui s’occupe des recours contre les OQTF ) Celle du parlement de Bretagne (pour viser le système judiciaire qui délivre des interdictions du territoire français) Celle du magasin Bouygues (multinationale qui construit des centres de rétention administrative, CRA ) Et de nombreuses autres dans le centre-ville par des tags contre la loi « asile-immigration », pour des logements pour tous... Dépasser la gauche et ses manifs du dimanche La mobilisation contre la loi « asile-immigration » peut être décrite comme une « mobilisation type de la gauche ». On assiste à un mouvement qui se construit avec d’un côté les « aidants » et de l’autre les « aidés ». Les aidants participent depuis toujours à la « gestion » des flux migratoires : de façon institutionnelle ou associative. Cette aide est verticale, une inter-organisation ou une inter-syndicale décide de la stratégie de mobilisation et fait tout pour que rien n’en dépasse. Cela passe parfois par des procédés dégueulasses comme l’ont dénoncé les collectifs de sans-papiers de la région parisienne, pour la manifestation du 21 janvier : ne pas reprendre les revendications des collectifs de sans-papiers, ne pas faire référence aux luttes et grèves en cours, ne pas les associer au choix des dates de mobilisation ou à la rédaction du communiqué puis finalement leur demander individuellement d’apposer leur signature en bas de l’appel. La forme assembléiste que nous proposons est une alternative efficace pour dépasser ces cadres imposés par la gauche : elle nous permet une autonomie de discours, de décisions, et d’appel ; elle est ouverte et publique, tout le monde peut la rejoindre. Notre autonomie et notre force d’appel nous permettent d’organiser des cortèges de têtes, des envahissements, des occupations, des manifestations, des blocages... Souvent, le rythme des mouvements sociaux est dépendant de celui des syndicats, il est difficile de mobiliser en dehors des journées de grève et de manifestation qu’ils organisent. Nous le savons, les appels autonomes fonctionnent toujours mieux lorsqu’ils s’inscrivent dans ce contexte de mobilisation syndicale (exception faite du mouvement des Gilets Jaunes, qui nous donne de l’espoir !). Pour être entièrement autonome, ne pas se limiter au calendrier législatif et demander plus que le retrait d’une loi, il faut réussir à construire des mobilisations en dehors du calendrier parlementaire (suivi par les syndicats). Aujourd’hui en particulier, la lutte contre les frontières, contre l’exploitation et l’expulsion des étrangers ne se limite ni à refuser telle ou telle loi, ni à la promulgation de la loi « asile-immigration » : il est possible d’empêcher son application, de soutenir les révoltes des enfermé.es des CRA et d’agir contre les rouages de la machine à expulser et exploiter (par exemple, contre la construction de 12 nouveaux CRA pour 2027). Avoir une force d’appel autonome puissante n’est pas chose facile : nous n’avons pas une liste d’adhérent.es longue comme le bras, ni de relais médiatiques. Nous ne pouvons souvent compter que sur nos tracts, les réseaux sociaux ou les sites militants/camarades. C’est un travail sur la durée qui permet d’agglomérer un nombre de camarades suffisant pour rendre les appels à se mobiliser impactants. Pour provoquer cette mobilisation, il faut porter des propositions politiques intéressantes...